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Vie et œuvre de Jean Monnet

9 septembre 2006

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Première et quatrième de couverture de l'album

couvMonnet
Jean Monnet, bâtisseur d’Europe

par Jeanne Puchol et Catherine Cazalé
Mise en couleur : Isabelle Labbé
PVP : 12,50 €
21 x 29,5 cm, 56 pages couleur - Cartonné - ISBN 2-84856-075-4 - EAN 9782848560755
Publication : octobre 2006

A la veille du cinquantième anniversaire des traités de Rome (25 mars 1957) instituant la CEE et l’Euratom, Arthur, Carmen, Emilie, Lucas et Malika, élèves du Lycée Jean Monnet de Cognac, décident de créer un site internet sur la vie et l’œuvre de Monnet. Mais comment retracer, sur un mode interactif, le parcours de ce discret et infatigable constructeur d’Europe ? En demandant à ce singulier Charentais de réapparaître quelques heures... Chacun à son tour, les cinq lycéens s’entretiennent avec Jean Monnet. Dans ce passionnant récit, on voit Monnet poser les jalons de l’Union européenne, dès le début de la Grande Guerre. Sa route croise celles de Churchill, Roosevelt, Tchang Kai-Chek et de Gaulle... Sa nomination à la direction du Commissariat au Plan (1946) offre à Jean Monnet la possibilité de réconcilier la France et l’Allemagne dans le grand projet de la CECA, que lance Robert Schuman en accord avec Konrad Adenauer le 9 mai 1950. Le Benelux et l’Italie adhèrent immédiatement à l’entreprise franco-allemande. Devenu président de la Haute Autorité de la CECA, Monnet aura été l’un des initiateurs des traités de Rome.
Destiné prioritairement aux lycéens, cet album - rendu très vivant par l’alternance de scènes au présent et d’évocations du passé - est basé sur une documentation irréprochable et peut intéresser un large public.
Publié avec le soutien de la Région Poitou-Charentes. Un document pédagogique d’exploitation dans les classes est en préparation au CRDP du Poitou-Charentes.

Jean Monnet, builder of Europe
by Catherine Cazalé and Jeanne Puchol
On the eve of the 50th anniversary of the Treaty of Rome (March 25 1957), which established the EEC and Euratom, Arthur, Carmen, Emilie, Lucas and Malika, students at the Jean Monnet Secondary School of Cognac, decide to create an Internet site on the life and work of Monnet. But how to portray in an interactive mode the career of this discrete and untiring builder of Europe ? And how to resurrect for a few hours this singular native of the Charente ? Each in turn, the five students converse with Jean Monnet. In this exciting account we observe Monnet as, from the beginning of the First World War, he paves the way for the European Union. His path crosses that of Churchill, Roosevelt, Tchang Kai-Check and de Gaulle … His nomination as head of the Plan (1946) allows him to reconcile France and Germany to the grand project of the ECSC, which is launched by Robert Schuman in accord with Konrad Adenauer on 9th May 1950. The Benelux countries and Italy immediately adhere to the Franco-German undertaking. Nominated President of the High Authority of the ECSC, Monnet was one of the originators of the Treaty of Rome.
Primarily destined for secondary school students, this album – enlivened by alternating scenes of the present and recollections of the past – is based on irreproachable documentation and will be of interest to a wide audience.
It is published with the support of the Poitou-Charentes Region. A teaching document for use in class is in preparation in association with the PDRC (pedagogic documentation and research centre) of Poitou-Charentes. (Traduit du français par Vicky Cole-Till).

Jean Monnet, costruttore dell'Europa
di Jeanne Puchol e Catherine Cazalé
Poco tempo prima del cinquantesimo anniversario dei trattati di Roma (25 marzo 1957) che istituirono la CEE e l'Euratom, Arthur, Carmen, Emilie, Lucas e Malika, alunni del liceo Jean Monnet di Cognac, decidono di creare un sito Internet sulla vita e l'opera di Monnet. Ma come illustrare, in modo interattivo, il percorso di questo discreto e instancabile creatore dell'Europa ? Chiedendo a questo singolare signore della Charente  di riapparire per alcune ore … Uno alla volta, i cinque allievi si intrattengono con Jean Monnet.
In questo appassionante racconto, vediamo Monnet porre le basi dell'Unione europea fin dall'inizio della prima guerra mondiale.. La sua strada incrocia quelle di Churchill, di Roosevelt, Tchang Kai-Chek e de Gaulle... La sua nomina alla direzione del Commissariato al Piano (1946) dà a Jean Monnet la possibilità di riconciliare Francia e Germania nel grande progetto della CECA che Robert Schuman mette in moto in accordo con Konrad Adenauer il 9 maggio 1950. Il Benelux e l'Italia aderiscono immediatamente all'impresa franco-tedesca. Diventato presidente dell'alta autorità della CECA, Monnet sarà uno degli iniziatori dei trattati di Roma.

Destinato in modo prioritario agli studenti delle scuole medie superiori, quest'album - reso molto vivo dall'alternanza di scene al presente e di evocazioni del passato - è basato su una documentazione rigorosa e può interessare un ampio pubblico.

Pubblicato con il sostegno della regione Poitou-Charentes. Un documento pedagogico da utilizzare nelle classi è in preparazione al CRDP (Centro di Ricerca e di Documentazione pedagogica) del Poitou-Charentes.
(Traduit du français par Daniela Attanasio).


Interview de Catherine Cazalé et de Jeanne Puchol par Laurent Lessous

Comment avez-vous été amenées l'une à écrire un scénario de BD sur la vie de J. Monnet et l'autre à la dessiner ?
Catherine Cazalé : Tout à fait par hasard. Cependant, avant de vous préciser ce qui m’a amenée à écrire un scénario de BD sur la vie et l’œuvre de J. Monnet, je dois d’abord vous confesser qu’avant de rencontrer Jeanne Puchol, la BD était aussi éloignée de moi que la comète de Haley. Bref, à l’occasion d’une conférence-débat sur le peu de visibilité des femmes-auteurs de bande dessinée, animée par Jeanne Puchol, Chantal Montellier Johanna Shipper…, je découvris un univers captivant à côté duquel j’étais passée, par paresse? ignorance ? a priori ? Pour ne pas mourir idiote, j’ai essayé de rattraper le temps perdu en lisant les livres de ces auteures et de leurs confrères. La vie a fait le reste. Je me suis liée d’amitié avec Jeanne Puchol, ce qui nous a conduit à échanger sur nos projets respectifs, dont celui concernant Jean Monnet. En janvier 2005, l’éditeur Thierry Groensteen a proposé à Jeanne Puchol de réaliser une BD sur Monnet à paraître l’année suivante. Elle n’a dit ni oui, ni non, se laissant le temps de la réflexion. Lorsqu’elle m’en a parlé, Jeanne m’a confié que, compte tenu des délais, il lui serait impossible de faire le dessin et le scénario, celui-ci exigeant, en amont, un travail historique rigoureux.
Jeanne Puchol
: En effet j’ai hésité un certain temps : la biographie en bande dessinée me semble un genre périlleux, je n’en connais pas d’exemple réussi. Certes, j’ai réalisé trois récits biographiques avec L. F. Bollée 7, mais les vies des personnages choisis et le parti adopté par le scénariste m’ont permis un traitement largement onirique. Le travail de documentation pour les images ne me fait pas peur, je l’ai déjà accompli pour d’autres albums. En revanche, une approche documentaire du récit est très éloignée de ma propre démarche de scénariste: les récits que j’ai écrits sont marqués par le décalage, l’absurdité, volontiers anachroniques. De plus, je venais juste de commencer le tome 7 des « Abîmes du temps » pour Albin Michel8 et le temps imparti pour mener à bien la bio de Monnet me semblait insuffisant pour que j’accomplisse moi-même le travail de recherche historique. À quel scénariste m’adresser ? Quand Catherine Cazalé m’a proposé de relever le défi, j’ai été immédiatement convaincue que, néophyte en bande dessinée, elle trouverait des solutions scénaristiques originales. Je ne me suis pas trompée… notre projet a été retenu par la Région.
C.C.: Qu’est-ce qui m’a poussée à lui proposer d’écrire le scénario ? La personnalité de Jean Monnet ? Assurément. En Européenne convaincue, l’idée de faire découvrir, aux jeunes générations, la vie et l’œuvre d’un des pères de l’Europe, dans un album de bande dessinée, me motivait. Jeanne Puchol a proposé à son éditeur que j’assure l’écriture du scénario. Après lecture du synopsis que je lui ai envoyé, Thierry Groensteen a accepté que je prenne en charge le scénario. C’est ainsi que l’aventure a commencé.

Quelles ont été les différentes étapes de votre travail ? Quelles sont vos sources principales ?

C.C.: Quand on s’attaque à une biographie, la première étape du travail consiste à lire attentivement les ouvrages écrits par la personnalité dont on doit retracer la vie et l’œuvre. Dans le cas de Jean Monnet, le livre de référence est et reste ses “Mémoires“ (641 pages) parues aux éditions Fayard en 1976. Ce livre est donc devenu mon livre de journée et de chevet pendant toute l’élaboration des pages historiques du scénario. Après lecture et relecture des “Mémoires“ de Monnet, nous avons, avec Jeanne Puchol, fait le voyage de Lausanne pour rencontrer le professeur Henri Rieben, président de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, créée par Monnet en 1978. Ce choix s’est imposé, parce que nous savions que la fondation mettait à la disposition des chercheurs et des universitaires des archives importantes sur les origines et le développement des Communautés européennes, notamment les archives de Jean Monnet et Robert Schuman…Mais aussi parce qu’elle offrait à tous les publics les services d'une médiathèque comprenant un fonds de 8.000 photos sur Jean Monnet et la construction européenne, des interviews de protagonistes de cette construction, des anciens films relatifs à Jean Monnet et à son oeuvre, et un recueil d'émissions télévisées et radiodiffusées actuelles sur l'Europe.
Bien qu’intriguée, Madame Claire Camperio-Tixier, documentaliste de la fondation, nous a accueillies avec enthousiasme. C’était la première fois qu’elle voyait débarquer des auteurs de bandes dessinées dans ce haut lieu de la mémoire de l’idéal européen. Le professeur Rieben, aujourd’hui disparu, nous a également reçues et longuement interrogées sur l’œuvre de Jean Monnet. A l’issue de l’entretien, il nous a offert des livres, dont à A L’écoute de Jean Monnet1 et un film (VHS) dans lequel Jean Monnet évoque quelques figures de la construction européenne. “A L’écoute de Jean Monnet“ devint mon second livre de jour et de chevet. D’autres ouvrages m’ont accompagnée tout au long de mon travail d’écriture, le Jean Monnet2 d’Eric Roussel, l’excellent “L’Europe petite histoire d’une grande idée3“ de Benjamin Angel et Jacques Lafitte, “Jean Monnet, l’Eu et les chemins de la paix4“ de Gérard Bossuat et Andreas Wilkens, “l’Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours5“ de Marie-Thérèse Bitsch, “Après l'Etat-nation. Une nouvelle constellation politique6”, de Jürgen Habermas. Pour compléter mes lectures, je surfais quotidiennement sur Internet.
Hormis les deux sites consacrés à Jean Monnet et Jean Monnet, je me suis abreuvée au site luxembourgeois "European Navigator, Centre Virtuel de  la Connaissance Européenne", qui offre, en ligne, une impressionnante documentation papier, photographique, audio, vidéo, etc.  Mais aussi au site des archives historiques de l'institut européen de Florence en Italie ou encore à celui de la Chaire Jean Monnet de l’université de Montréal, sans oublier celui du centre européen Robert Schuman  ni, bien sûr, tous les sites officiels dédiés à l’Europe, dont l'Ec. Europea qui permet de télécharger les très précieuses 12 leçons sur l’Europe de Pascal Fontaine, ancien collaborateur de Jean Monnet et professeur à l’Institut d’études politiques de Paris.
Telles ont été mes sources principales. A ce stade, j’aurais pu écrire un scénario linéaire mettant en scène les événements clefs de la vie et de l’œuvre de Jean Monnet, de sa naissance à son entrée au Panthéon. Mais le fait que notre éditeur nous ait spécifié que la bande dessinée devait, en priorité, s’adresser à des lycéens, me donna envie d’en faire des protagonistes. Avec Jeanne Puchol, nous sommes donc allées au lycée Jean Monnet de Cognac pour nous entretenir de notre projet avec le proviseur de l’établissement. Nous avons été accueillies aussi chaleureusement qu’à la fondation Jean Monnet. La visite du lycée avec sa salle où, en quelques minutes, il était possible d’installer une exposition sur Jean Monnet (offerte par la fondation du même nom) mais aussi avec son jardin dans lequel s’élevait un buste du père de l’Europe, me décida à introduire dans le scénario le décor du lycée et cinq de ses élèves de classe de seconde. C’est dire que le scénario présenterait et présente deux niveaux narratifs. L’un historique (renvoyant au passé) et l’autre fictif (axé sur le présent).Comme il s’agissait d’un récit en images, j’ai demandé à Jeanne Puchol de les accentuer en adoptant une mise en couleur distincte. Passé et flash back sont donc en sépia et le présent en quadri.
Monnet10

Monnet11

J.P.: Pour les passages historiques, j’ai utilisé les images de « À l’écoute de Jean Monnet » et d'un très bel album sur la déclaration Schuman, deux livres offerts par Monsieur Rieben. Tous deux abondamment illustrés en ce qui concerne Monnet et ses collaborateurs. J’ai beaucoup surfé sur le site de la Fondation ainsi que sur celui de l’Association Jean Monnet. J’ai complété avec des images trouvées sur Internet, en particulier sur les sites des institutions européennes, avec une mention particulière à l’European Navigator luxembourgeois, qui s’est révélé être une mine inépuisable. Pour les grands épisodes historiques, comme les deux guerres mondiales, j’ai travaillé à partir de livres trouvés en bibliothèque. Et puis j’ai pioché dans mes archives personnelles pour des choses aussi diverses que les uniformes des soldats anglais de la 1ère Guerre, les affiches de la Guerre froide ou la Chine des années 30…
Pour les passages contemporains, j’ai réalisé une première série de photographies, sur le lycée, les chais Jean Monnet et Cognac, que j’ai complétée en octobre au cours du Salon Polar & Co où j’étais invitée pour signer « Les Jarnaqueurs9 ».
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lyc_e_expo
Puis est venue la création des personnages. Pour les adolescents, je me suis inspirée d’amis, de nos neveux et nièces, de souvenirs de mes copains de classe. Comme le dialogue entre les lycéens tourne essentiellement autour de Jean Monnet, il fallait les caractériser, j’ai donc associé à chacun un style vestimentaire bien marqué qui permet à la fois de les identifier immédiatement et de compléter leur « profil » psychologique.

les_personnages
Ainsi, Lucas, adepte de skate et de jeux vidéo porte les pantalons baggy, les sweats, les vestes et la casquette de rigueur. Pour ne pas cantonner Arthur à son rôle de Je-sais-tout, je l’ai habillé comme les gauchistes que je côtoyais au lycée dans les années 70 (elles sont, on le sait, revenues à la mode) : jeans patte d’éléphant, veste et parka de surplus militaire, les cheveux mi-longs apportant une touche romantique au personnage. Émilie doit ressembler à Lucas, son frère jumeau, mais ne doit pas être prise pour un garçon : autour de ses boucles d’oreille, j’ai créé un style vestimentaire moderne et graphique, d’un aspect strict mais féminin (veste à boutons façon officier, caban…). Émilie est brune à cheveux courts, Carmen sera blonde à cheveux longs. Sportive et nature, elle arbore une garde robe simple, faite de t-shirts, de gilets, de vêtements « outdoor ». Enfin Malika, moitié bretonne, moitié algérienne, d’un milieu moins aisé que ses camarades, pratique les superpositions : blousons courts sur sweats à capuche ou pulls longs, pantalons de treillis.
Côté personnages secondaires, le proviseur est fidèle à la réalité alors que la prof d’histoire-géo est inventée. Les autres élèves ont été créés à partir de croquis réalisés dans la rue à Cognac ou lors du Salon Polar&Co.
Croquis__1

 

Croquis__2
Quant à Thierry, l’ami belge, c’est une version rajeunie de Thierry Groensteen, notre éditeur.

Et Jean Monnet ? comment le représenter lors de ses rendez-vous avec les lycéens ? Quel âge lui donner ? Comme je n’ai pas trouvé de réponse à ces questions, je me suis débrouillée pour qu’on ne voie jamais son visage : pénombre, personnage de dos ou de trois quarts dos, amorces, chapeau… Après tout, Monnet ne se définissait-il pas lui-même comme un personnage de l’ombre ? En dehors des séquences sépia où je l’ai représenté tel qu’il était aux périodes évoquées, Monnet n’apparaît à visage découvert qu’à la fin de l’album, dans son dernier rendez-vous avec les jeunes dans le parc de Cognac  : il est devenu un personnage public.
Une fois  la création des personnages menée à bien, je me suis mise à la bande dessinée proprement dite.

Pouvez-vous nous présenter par exemple ces différentes étapes jusqu’à la planche finale ? ( Source écrite, synopsis, story-board, crayonné, planche éditée)
C.C.: Pour ma part, j’ai pris le parti du découpage chronologique et m’y suis tenue. Dès le synopsis, j’ai présenté ce plan à l’éditeur :
I- 1888-1914
Les années d’apprentissage
1) Une enfance à Cognac
2) Les 1ers voyages à l’étranger (City de Londres et Winnipeg au Canada)
II- 1914-1918
1) Septembre 1914, rendez vous avec Viviani (président du conseil) à Bordeaux.
2) 1916, le Wheat executive (commission interalliée pour les approvisionnements en blé)
3) Bureau commun de ravitaillement allié et organisation du premier "pool" maritime
III- 1919-1923
1) 1919, Monnet participe à la création de la Société des nations (SDN) dont il devient Secrétaire général adjoint d'Eric Drummond
2) 1923, Monnet quitte la SDN, pour se consacrer à la gestion de l’entreprise familiale en  difficulté
IV- 1923-1938
1) 1923-1927 Redressement de l’entreprise familiale
2) 1927-28, Monnet participe au relèvement économique de certains pays de l’Europe de l’Est, contribue à la stabilisation du zloty en Pologne et du leu en Roumanie.
3) 1929, Monnet fonde (à 41 ans) et co-préside une grande banque américaine à San Francisco, la Bancamerica-Blair. Il devra s'en éloigner après un échec dû à la crise boursière de 1929.
4) La même année, Monnet rencontre sa future épouse Silvia de Bondini.
5) 1934-36, Monnet est appelé en Chine comme conseiller spécial de Tchang Kai-Check.
6) 1938, Monnet est envoyé par le président du Conseil, Edouard Daladier, en mission secrète aux Etats-Unis pour y acheter des avions de guerre américains
V- 1939-45
1) 1940, En pleine débâcle française, Monnet propose, en juin, un projet d’Union totale franco-britannique. Avec l’arrivée de Pétain au pouvoir, ce projet échoue. Le 17 juin 1940, Monnet reçoit à son domicile londonien le général de Gaulle (le veille de l’appel du 18 juin)
2) A Londres, Monnet préside le comité de coordination franco-britannique pour la mise en commun des ressources alliées. Puis, est envoyé à Washington par les Anglais, pour négocier l’achat de matériel militaire, avec le Président Roosevelt. Monnet joue ainsi un rôle déterminant  dans la conception et la mise en œuvre du "Victory Program" (1942) qui permettra de faire des Etats-Unis "l'arsenal des démocraties".
3) 1943, membre à Alger du 1er gouvernement de la France libre (jusqu’en 1945), Monnet organise l'armement des Forces Françaises qui participeront à la libération du territoire.
4) 1945 Monnet s’installe à Houjarray
VI-1945-1950
1)   1946-1950, Monnet fonde et dirige le Commissariat au Plan pour équiper et moderniser la France. Il en devient le premier président.
VII- 1950-1955
1) Avril 1950, dans sa maison d’Houjarray, Monnet conçoit la CECA : Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (Plan Schuman) dont il préside la Haute Autorité. L'Europe communautaire devient une réalité.
2) 1952-55, Monnet préside la Haute Autorité de la CECA
VIII -1955-1-975
1) 1955, Monnet démissionne de la présidence de la CECA, et fonde le Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe qui rassemble les principaux responsables politiques  et syndicaux européens.
2) Monnet joue un rôle décisif dans les étapes successives de la construction européenne:
   a)    Traités de Rome sur le marché commun
   b)    EURATOM,
   c)    Entrée de  la Grande-Bretagne dans la Communauté (1961-1963)
   d)    Conseil Européen (1972-75)
   e)    Élection du Parlement Européen au suffrage universel
   f)     Union monétaire, etc...
3) Le Comité d'action pour les États-Unis d'Europe en faveur de l'union œuvre jusqu'à sa mort, le 16 mars 1979, à 91 ans.
IX- 1976-1988
1) 1976, Monnet se retire à  Houjarray (Yvelines) où il rédige ses Mémoires
2) 1979 le 16 mars Il meurt à Houjarray à 91  ans.
3) 1982 (mort de Silvia, épouese de Monnet) La Maison de Jean Monnet devient propriété du Parlement européen
4) 1988 A l’initiative du président François Mitterrand, les cendres de Monnet sont transférées au Panthéon en présence des chefs d'états européens.

Pour rendre vivante l’histoire des grandes étapes de la vie de Monnet, je le fais réapparaître et rencontrer, chacun à son tour, les cinq élèves du lycée de Cognac qui enquêtent sur son œuvre pour créer un site Internet dynamique. Qui à Cognac, qui à Paris, qui à Houjarray, qui à Alger, qui à Rome. Le sujet des entretiens entre Monnet et les lycéens est pris dans le plan (ci-dessus).
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Monnet08
Prenons un autre exemple. Dans mon découpage au chapitre V-  Période 1939-45, j’ai listé les événements importants à couvrir comme : La débâcle française (1940), la proposition de Monnet d’une Union totale franco-britannique (juin 1940), la présidence de Monnet au comité de coordination franco-britannique pour la mise en commun des ressources alliées, Churchill envoyant Monnet à Washington pour négocier l’achat de matériel militaire et mettre en œuvre le "Victory Program (1942). Tous ces événements sont traités en cours d’histoire avec l’ensemble de la classe (pages 26, 27, en couleur).
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Les années 1943-1945, pendant lesquelles Monnet est à Alger et devient membre du 1er gouvernement de la France libre (jusqu’en 1945), pour partir ensuite aux U.S.A. où il organise l'armement des Forces Françaises qui vont participer à la libération du territoire, ces années sont racontées par Jean Monnet à Malika, à Alger même (pages 29, 30, sépia).

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Pourquoi ai-je choisi de faire parler Jean Monnet de l’épisode d’Alger, plutôt que de la débâcle française ?
Malika, élève du lycée jean Monnnet de Cognac, est franco-algérienne et passe ses vacances de Noël dans sa famille à Alger. Bien qu’étant un personnage de fiction, l’identité mixte de Malika est comparable à celle d’autres jeunes français. Il me semblait important de prendre en compte la complexité de la société française, quarante ans après la décolonisation et de la restituer dans notre bande dessinée. C’était aussi un moyen de voyager dans un pays avec lequel la France n’a jamais cessé d’avoir des liens.
On sait que Monnet n’est devenu une personnalité publique que lorsqu’il a été nommé Commissaire au plan en 1946. Pour respecter ce passage de l’ombre à la lumière, nous avons convenu, avec Jeanne Puchol, de ne montrer son visage qu’à partir de cette date. Si Jean Monnet devient une figure institutionnelle après guerre, c’est en 1950 (au moment du lancement de la CECA) qu’il est internationalement connu et reconnu de tous en faisant la couverture du Time.

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Tout au long de l’enquête que font nos cinq lycéens de Cognac, j’ai été attentive à ce que l’un ou l’autre soit en contact avec des lycéens des pays qui ont formé la première communauté européenne. Écrivant sur Jean Monnet, il me paraissait fondamental que notre bande dessinée ne soit pas un album franco-français. Je veux dire que si, en France, Jean Monnet et Robert Schuman se partagent la paternité de l’union européenne, ils ne sont pas les seuls à avoir œuvrer dans le sens de l’union. En Belgique, par exemple, le père de l’Europe est Henri Spaak. En Italie, Altiero Spinelli… Pour la même raison, l’album ne se termine pas au Panthéon (à Paris) mais à Rome, sur les marches du Campidoglio qui s’ouvrent sur la mairie de la capitale italienne où ont été signés les traités de Rome.
Tous les initiateurs de l'union européenne ont été réunis à Rome, villa Ada, immense jardin public, où chaque allée porte un de leur nom .
Le défi, jusqu’à la page finale, a été de raconter la captivante histoire d’un homme remarquable en 56 planches.
J.P: Pour répondre à votre question sur les différentes étapes de mon travail, Je vais me servir de la première planche de l’album.
Catherine Cazalé a pris un parti original dans cette première planche, celui de nous plonger immédiatement dans un dialogue nourri entre les lycéens.

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L’abondance du texte ne me laisse pas l’espace pour une grande case d’installation de l’action, comme c’est fréquemment le cas en début d’album. Je réalise une première esquisse.

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Le découpage écrit prévoyait 8 cases. Je le ramène à 7, pour avoir des images plus grandes et éviter d’être redondante dans les plans consacrés à l’échange entre les adolescents. Mais cette esquisse ne me satisfait pas, en particulier parce que le décor n’est pas suffisamment planté. C’est pourquoi, dans la deuxième version, j’ai introduit le plan de coupe de la case 4, la vue extérieure du lycée, à la fois pour situer l’action, et pour faire « respirer » une planche se déroulant par ailleurs uniquement en intérieurs.
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Cette esquisse, agrandie au format A3, sert de base au crayonné définitif, reporté par transparence à la table lumineuse. J’en précise les détails, après quoi j’encre mon dessin, à la plume et au pinceau pour les surfaces plus grandes.

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L’éditeur fait réaliser un scan de la page en noir et blanc, sur lequel Isabelle Labbé, la coloriste, va pouvoir appliquer les couleurs. Monnet01
Monnet01

Comment avez-vous travaillé ensemble ?
C.C.: Au fur et à mesure de l’écriture du scénario, je donnais à lire à Jeanne dialogues et récits déjà rédigés et nous en parlions. Parfois, elle me convainquait de raccourcir tel fragment de texte ou, au contraire, d’en expliciter un autre. Le fait de pouvoir lire en live le scénario en train de s’écrire lui permettait (je crois) de penser les personnages de l’histoire et de former les premiers dessins.
J.P.: De même que Catherine m’a soumis son dialogue au fur et à mesure de l’écriture, je lui ai soumis les esquisses des pages, en argumentant les modifications qu’elles comportent. Ces modifications ne portaient en général pas sur son texte, mais sur le découpage, comme je l’ai détaillé dans les réponses précédentes. Cet échange a été particulièrement important pour les images métaphoriques des séquences sépia, dont nous discutions longuement les crayonnés jusqu’à ce que nous en soyons satisfaites toutes les deux.

Catherine Cazalé, avez-vous travaillé différemment avec votre dessinatrice sur la partie contemporaine et sur les épisodes de la vie de Monnet vus en flash back ? Avez-vous participé au choix des images métaphoriques par exemple ceux de la page 10?

C.C.: Bien sûr, même si la partie contemporaine se veut réaliste, il s’agit d’une fiction, ce qui laisse plus de liberté à l’imagination. Alors que nous avions de vraies contraintes lorsque nous abordions les épisodes de la vie de Monnet vus en flash back. Nous ne pouvions plus imaginer, nous devions coller à la réalité des époques traitées en utilisant une documentation rigoureuse et en trouvant la voie métaphorique idoine.
Pour répondre à votre deuxième question. Je vous dirai qu’il s’est passé à peu près la même chose que quand je donnais à lire à Jeanne Puchol mon scénario pour avoir son avis. Autrement dit, dès que Jeanne Puchol a commencé à dessiner, elle me faisait voir régulièrement ses crayonnées et m’expliquait pourquoi elle avait traité une vignette de telle façon plutôt que d’une autre. Si je n’étais pas convaincue par le dessin, je lui disais pourquoi et elle le reprenait.
Oui, nous avons quelques fois choisi ensemble certaines images métaphoriques, comme celles des vignettes cinq et six de la planche 10.
fragment
Le dessin de la vignette cinq symbolise, en trois éléments forts, les voyages de jeunesse de Jean Monnet : New-York, l’Egypte et le Canada. Au premier plan, une statue de la liberté, bicéphale, où l’on reconnaît une partie de celle sise à New York City, réalisée par, le sculpteur français, Frédéric-Auguste Bartholdi et une partie du visage du sphinx de Gizeh assortie, dans l’angle, d’une pyramide miniature. Hormis le fait que la figure renvoie à deux voyages de Monnet, dans deux continents, elle évoque aussi l’Orient et l’Occident réunis sous l’égide de la Liberté. La feuille d’érable voletant est, bien entendu, une évocation du Canada, autre pays que Jean Monnet a visité. La vignette six représente la première visite de Jean Monnet à New York City, avant la première guerre mondiale.
Comment montrer New York, avant la grande guerre, alors que nous avions déjà utilisé l’un de ses symboles dans la vignette précédente ? En faisant un clin d’œil à l’œuvre d’Alfred Stieglitz, ce grand photographe américain qui, dès 1903, donna une vision naturaliste de la ville de New York.

Pouvez-vous, Jeanne Puchol, nous expliquer le choix des 10 images du bas de la planche 9 a la fin de la planche 10?
J.P.: Il s’agit là de la première séquence sépia de l’album. Pour ces passages de récit de sa vie par Monnet lui-même, Catherine Cazalé a opté pour une narration à la première personne s’inscrivant dans des cartouches au-dessus des vignettes. Autre choix formel : ces pages obéissent au principe du gaufrier (planche découpée en cases de même dimension) sur huit images.
Pour éviter une simple illustration du propos, nous avions dans un premier temps pensé accompagner ce récit d’images évocatrices de la période relatée (par exemple des scènes de champ de bataille pour la Première Guerre). Mais ce parti était difficile à tenir sur toutes les pages concernées.
J’ai finalement proposé à Catherine d’avoir recours à des images de deux sortes :
- des images à caractère photographique pour les reconstitutions des scènes évoquées, les portraits des personnalités, les monuments, les documents d’époque (affiches, une de journaux),
- des images symboliques ou allégoriques relevant de l’illustration de presse pour les passages techniques ou abstraits.
Les deux images du bas de la planche 9 entrent dans la première catégorie.

Monnet09
Pour la première, je retiens les mots « Cognac », « 1888 », « eau-de-vie », « concentration et lenteur ». Associée à la fois à la lenteur et au passé, une gabarre passe sur la Charente devant le château de François 1er, chargée de barriques. Pour obtenir ce visuel, j’ai télescopé deux documents trouvés sur Internet, une vue emblématique de la Charente à Cognac et une photo ancienne de gabarre. La deuxième image suit davantage le texte. Je me suis inspirée de la photographie de Monnet enfant dans les chais en supprimant tous les autres personnages pour donner l’impression de liberté et d’espace

Mo_dans_les_chais
La planche 10 est presque exclusivement constituée d’images symboliques Celles-ci sont réalisées en associant une représentation visuelle à un sens (par exemple pays = drapeau) et en combinant ces représentations… jusqu’à ce que l’ensemble fonctionne. C’est le principe de la métaphore, doublé d’un glissement sémantique du registre des mots à celui des images. Pour illustrer notre méthode de travail, je m’arrêterai aux cases 4, 5 et 6. La première version de la case 4 représente la Banque d’Angleterre à Londres, devant laquelle se presse une foule en chapeau melon.

cr_pl_10_haut
Cette image réaliste détonne avec le reste de la page. Je décide alors de garder la structure triangulaire du fronton de l’édifice, je remplace les colonnes par des piles de pièces, je ne garde que les chapeaux de ma foule, et voici un ensemble de signes visuels dont la combinaison signifie « la City de Londres » (enfin, heureusement qu’il y a le texte dans le cartouche pour le préciser).

cr_pl_10_bas
C’est au cours d’un rendez-vous où je lui soumets la première version de la case 5, un peu pauvre visuellement, que Catherine Cazalé a l’idée d’accoler une moitié du visage du Sphinx de Gizeh et une moitié du visage de la Statue de la Liberté. J’ajoute la petite feuille d’érable canadienne, les trois voyages sont ainsi évoqués par des équivalents visuels. Pour la case 6, je sèche assez longtemps. Je veux représenter les mots « dynamisme » et « organisation ». Catherine Cazalé m’envoie la célèbre photo de Stieglitz, montrant les silhouettes des immeubles de Manhattan au début du XXe siècle. La structure quadrillée des villes américaines va finir de résoudre le problème : le plan de Manhattan (= États Unis/organisation) se fond au noir dans les silhouettes, traitées en ombre chinoise, de ses immeubles (= État Unis/dynamisme)

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la vie de Jean Monnet ?
C.C.: Son incroyable volonté à œuvrer pour la paix et à trouver les moyens de la réaliser. Volonté servie par une faculté de convaincre hors pair. Mais aussi son sens de l’Économie et son côté visionnaire. Si on y réfléchit, Jean Monnet avait prévu la mondialisation et une de ses réponses consistait à s’y préparer très tôt en construisant une Europe économique et sociale forte. Son énergie, son incroyable capacité de travail, son pragmatisme, et sa grande humilité m’ont également surprise et touchée.
J.P.: Confronté aux situations les plus complexes, Monnet trouve toujours des solutions d’un pragmatisme ahurissant dont on se demande bien pourquoi elles ne sont pas venues à l’esprit des chefs d’Etat qui font appel à lui… Il semble le plus souvent adapter avec génie des méthodes de gestion d’entreprise familiale à des problèmes de géo-politique de grande échelle. L’approvisionnement commun des forces alliées durant la Première Guerre, bon sang, mais c’est bien sûr !… sauf que personne n’y a pensé à part lui. Mais ce qui me frappe le plus, c’est son incroyable force de conviction : il est arrivé à rallier à ses idées, et aux solutions qu’il préconisait, les hommes les plus influents du XXe siècle…

1 - Editions Fondation Jean Monnet pour l’Europe et Centre de recherches européennes, Lausanne, 2004 (462 pages).
2 - Fayard, 1996.
3 - Editions Découvertes Gallimard,1999.
4 - Publications de la Sorbonne, Paris, 1999.
5 - Bruxelles, Editions Complexe, 1999.
6 - Fayard, 2000.
7 - “Poète contumace” sur Tristan Corbière, “Asile vénitien” sur le baron Corvo, “Fleur bleue dans un monde noir” sur Fréhel, parues dans la revue (A suivre).
8 - “Le temps volé”, scénario Rodolphe, éditions Albin Michel 2006
9 - D'après le roman éponyme de Michel Boujut, éditions 6 pieds sous terre, 2005.

Laurent Lessous est professeur d'Histoire et grand amateur de bandes dessinés.

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